mardi 9 juin 2015

Réflexions sur la justice

Justice =

1) Rendre justice : c'est là le rôle de l'appareil judiciaire. Celui-ci doit punir un acte qui contrevient à la loi. On punit le contrevenant pour faire respecter la règle, pour protéger ceux qui la respectent en éloignant ceux qui ne la respectent pas, et, dans le meilleur des cas, pour faire réfléchir le coupable.

Dans la sphère judiciaire, la justice consiste d'abord en l'égalité de traitement de tous les justiciables.

Injustice = Privilèges


Il s'agit également d'attribuer une sanction proportionnée à celui qui a été jugé coupable.

Injustice = Un jour de prison, en moins, ou en trop

La proportion se trouve ici en étant équitable, c'est-à-dire en traitant tout le monde sur le même pied d'égalité, mais tout en prenant en compte les situations particulières de l'affaire jugée (exemple : circonstances atténuantes).


A l'inverse, la justice peut ne pas consister en un ensemble de sanctions, en un appareil répressif, mais, au contraire, en le fait de récompenser ceux qui font le bien, de reconnaître le mérite de certains qui se distinguent.


2) Etre juste : adopter un comportement noble, droit, bon, en excluant la violence de sa vie.

Exemple : Les Justes lors de la seconde guerre mondiale.

Ainsi, on peut être juste sans nécessairement obéir à l'appareil judiciaire de son pays qui, parfois, peut être injuste.


Le juste, le noble, le moralement bon, exclut la violence de son existence :

Exemple : Jean-Paul II pardonnant, à Noël 1983, à Mehmet Ali Agça qui lui avait tiré dessus le 13 mai 1981 sur la place Saint-Pierre de Rome.


Cependant, il y a là sans doute une démarche politique au service du message de l'Eglise catholique.


Autre exemple : Samereh Alinejad, mère iranienne, pardonne, le 15 avril 2014, au meurtrier de son fils en transformant la peine de mort en une gifle. 


« Le meurtrier pleurait. Il a demandé pardon. Je l'ai giflé, ce qui m'a calmé. J'ai dit : « Je te punis pour le malheur que tu as fait. » Les gens ont applaudi, certains pleuraient. »
Samereh Alinejad

La corde ou la gifle ? Où est la justice ? Où est la noblesse ?

« Tout père frappe à côté. »
La Fontaine (1621 – 1695), Fables, 1668, VIII, XX : « Jupiter et les Tonnerres », Vers 41

Peut-être aurait-il fallu dire « Toute mère ».

= La loi du pardon dépasse la loi du Talion.


A l’occasion de la lecture suivie du Criton de Platon, nous verrons comment le juste peut encore l’être alors qu’il n’est pas ici victime, mais accusé (injustement). Faut-il accepter une décision judiciaire injuste ? Faut-il protester contre l’appareil judiciaire qui nous condamne injustement ?


Le Criton est le second volet d’un œuvre en trois parties de Platon : l’action suit celle de l’Apologie de Socrate, et précède celle du Phédon.


- L'Apologie de Socrate :

Dans l’Apologie de Socrate est relaté le procès qui condamne Socrate à boire la cigüe :

En -399, Mélétos se rend au Portique royal pour y intenter une action auprès de l’archonte-roi. Socrate est soumis à trois chefs d’accusation lors d’un procès public durant lequel il devra se défendre devant ses juges et toute la Cité athénienne :

    1) Corruption de la jeunesse.
Socrate s’entretenait régulièrement avec de jeunes garçons qui étaient ses disciples : ils apprenaient l’usage de la raison.

    2) Non-reconnaissance de l’existence des dieux traditionnels athéniens.

Le philosophe est toujours libre à l’égard de la tradition.

    3) Introduction de nouvelles divinités dans la Cité.

Les Idées sont les seules réalités véritables. La raison (logos) est la seule digne d'admiration.


Dans un premier temps, Socrate se défend d’être coupable de ces trois chefs d’accusation :

    1) L’éducation n’est pas corruption.
    2) Il a toujours été respectueux de la tradition.

Cependant, dans un second temps, il considère comme acquis qu’il sera de toute manière condamné (injustement alors) : il plaide alors pour obtenir une peine juste en fonction de ce qu’on lui reproche. Là se trouve son ultime provocation à l’égard de la Cité lorsqu’il demande, non sanction, mais récompense : il propose, comme peine alternative, comme le veut l’ordre du procès, d’être nourri à vie dans le prytanée, la plus haute des récompenses. En effet, selon lui-même, Socrate a été un bienfaiteur pour la Cité (en développant l’exercice de la raison).


Pourtant, il savait très bien qu’une telle attitude (un condamné qui demande récompense) serait jugée comme étant provocatrice, l’amenant par conséquent à la mort. Socrate s’est donc peut-être fait volontairement martyr en vue de poursuivre ses leçons par son exemple, plutôt que seulement par ses discours.


- Criton :

Cependant, la condamnation à mort ne prend pas effet tout de suite car, selon la loi athénienne, le peuple ne doit pas se souiller d’une exécution tant que le bateau sacré n’est pas revenu de l’île de Délos.
Ainsi, l’action du Criton peut avoir lieu. Criton, un ami de Socrate, vient le voir dans sa prison, et lui propose de s’évader pour se soustraire à son injuste condamnation. S’en suit un dialogue socratique pour expliquer à Criton pourquoi Socrate doit accepter de subir l’injustice qu’on lui soumet (ce que Criton n’acceptera pas). Socrate est alors devenu comme le martyr de la philosophie.


- Phédon :

Le Phédon, lui, est un dialogue qui revient sur le moment de la mort même de Socrate. 


- Jacques Louis David (1748 - 1825), La mort de Socrate, 1787 :

 

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