« C’est
l’office de la philosophie de tout comprendre, même la religion. »
Jules
Lachelier (1832 - 1918)
Définition des termes :
Le terme «
religion » vient du latin religere
qui signifie relier, c'est-à-dire, notamment, relier entre eux les individus
qui composent une communauté unie par une même religion.
Ainsi,
lorsque l'on parle de religion, il faut avoir à l'esprit deux dimensions :
-
l'individuelle, c'est-à-dire le plan des croyances
personnelles
-
la collective, c'est-à-dire la manifestation sociale,
publique, de notre appartenance à une religion au sens d'institution permettant
l'unité d'une communauté.
Se demander
si cette religion est raisonnable,
publique et privée, c'est se demander s'il est raisonnable, c'est-à-dire, ici, souhaitable, de mettre en place une
religion et de la maintenir dans notre existence.
Le terme «
raisonnable » renvoie également, plus essentiellement, à ce qui est relatif à
la raison, à l'usage de cette raison
qui est la faculté humaine de comprendre les choses en les expliquant.
Première réponse :
La religion est déraisonnable car :
-
Conflits
-
Intégrisme,
Fanatisme
-
Croyances
religieuses = Illusions risquées
-
Sentiments >
Raison
Objection :
-
Organisation
sociale
-
Echanges
inter-religieux, Dialogue
-
Recherche de
sens pour son existence personnelle
-
Présence de la
raison en religion : la théologie.
Problématique :
La
question est alors ici de savoir si la religion, considérée à la fois comme
ensemble de croyances et comme pratique d'un culte, dépend en son essence d'un
usage de la raison ou bien si elle
n'est qu'une manifestation de l'irrationalité qui, peut-être, ne serait pas
souhaitable.
I / L'irrationalité
de la religion : la religion du sentiment.
-
Conflits
-
Croyances
religieuses = Illusions, menant à l’obscurantisme
-
Sentiments >
Raison
A / La
religion est déraisonnable aux yeux de la société :
Conflits :
-
Croisades
-
Espagne du
XVIème siècle (Isabelle la Catholique [1451 – 1504]) contre les juifs
et les musulmans
-
Jihad
Conflits inter-religieux :
-
Ariens
persécutés au début de l’ère chrétienne à cause de leur refus du dogme de la
Trinité
-
Saint-Barthélemy
(24 août 1572) : massacre à Paris des protestants par les
catholiques
-
Schismes divers
B / Elle
l’est également sur le plan individuel :
-
Manque de
prudence car manque de preuves
-
Obscurantisme
religieux
Exemple : Le créationnisme.
-
Croyances
religieuses = Illusions
« Ces
idées [les idées religieuses], qui professent d'être des dogmes, ne sont pas le
résidu de l'expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des
illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus
pressants de l'humanité ; le secret de
leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l'impression
terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d'être protégé -
protégé en étant aimé - besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance
du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l'homme s'est cramponné
à un père, à un père cette fois plus puissant. L'angoisse humaine en face des
dangers de la vie s'apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence
divine, l'institution d'un ordre moral de l'univers assure la réalisation des exigences
de la justice, si souvent demeurées irréalisées dans les civilisations
humaines, et la prolongation de l'existence terrestre par une vie future
fournit les cadres de temps et de lieu où ces désirs se réaliseront. Des
réponses aux questions que se pose la curiosité humaine touchant ces énigmes :
la genèse de l'univers, le rapport entre le corporel et le spirituel,
s'élaborent suivant les prémisses du système religieux. Et c'est un formidable
allégement pour l'âme individuelle que de voir les conflits de l'enfance émanés
du complexe paternel - conflits jamais entièrement résolus -, lui être pour
ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptée de tous.
Quand je dis : tout cela, ce sont des
illusions, il me faut délimiter le sens de ce terme. Une illusion n'est pas la
même chose qu'une erreur, une illusion n'est pas non plus nécessairement une
erreur. »
Freud, L'avenir d'une illusion,
1927, Section VI
« Le fondement
de la critique irréligieuse est : c’est l’homme qui fait la religion, ce
n’est pas la religion qui fait l’homme. »
Marx, Critique de la
philosophie du droit de Hegel, 1843 - 1844
C / La foi
religieuse se vit sans faire appel à la raison :
Le cœur chez Pascal est la faculté de connaître de manière immédiate,
irréfléchie, une vérité : Dieu se révèle à notre cœur, et non à notre
raison.
«
Le dieu des philosophes et des savants n'est pas le Dieu d'Abraham, d'Isaac et
de Jacob. »
Pascal
Texte de Pascal :
« Je
n’entreprendrai pas ici de prouver par des raisons naturelles, ou l’existence
de Dieu, ou la Trinité, ou l’immortalité de l’âme, ni aucune des choses de
cette nature ; non seulement parce que je ne me sentirais pas assez
fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis, mais
encore parce que cette connaissance, sans Jésus-Christ, est inutile et stérile.
Quand un homme serait persuadé que les proportions des nombres sont des vérités
immatérielles, éternelles et dépendantes d’une première vérité en qui elles
subsistent, et qu’on appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup avancé pour
son salut.
Le Dieu des chrétiens ne consiste pas en un
Dieu simplement auteur des vérités géométriques et de l’ordre des éléments […].
Mais le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des
chrétiens, est un Dieu d’amour et de consolation ; c’est un Dieu qui
remplit l’âme et le cœur de ceux qu’il possède ; c’est un Dieu qui leur
fait sentir intérieurement leur misère, et sa miséricorde infinie ; qui
s’unit au fond de leur âme ; qui la remplit d’humilité, de joie, de
confiance, d’amour ; qui les rend incapables d’autre fin que de
lui-même. »
Pascal,
Pensées, 1669 (posthumes)
II / De la
raison en religion :
A / Le cœur
ne s’oppose pas à la raison :
Chez
Pascal, le cœur permet tout de même une connaissance, bien que celle-ci soit
différente de celle de la raison.
B /
L’attitude religieuse peut naître d’une démarche rationnelle : le pari.
Pour Pascal, il faudrait procéder à
un calcul d’intérêt en religion : il est préférable pour l’homme de se
comporter comme le demande la religion, plutôt que de risquer d’avoir perdu sa
vie en se divertissant.
C / La
théologie : la présence de la raison en religion.
-
Théologie : Science qui traite de Dieu,
de son existence et de ses attributs, soit par l’argumentation (théologie
rationnelle ou critique), soit par l’étude des textes sacrés (théologie révélée
ou dogmatisme).
« La théologie est la reine de
toutes les sciences. »
Saint-Thomas d’Aquin (1224, 1225 ; 1274)
III / Enjeux
sociaux :
-
L’intérêt politique de la religion :
« L’histoire romaine
[…] prouve que la religion est utile pour commander les armées, pour
réconforter le peuple, pour maintenir les gens de bien et faire rougir les
méchants. »
-
La dimension éthico-morale de la religion :
Il faut bien agir selon le discours
religieux, c’est-à-dire respecter la morale universelle. Cela a un intérêt
politique, social. Rousseau propose alors de fonder une religion laïque, une
religion d’Etat, faite de cérémonies pour inciter à la vertu.
Conclusion :
Ainsi,
afin de répondre à la question, nous sommes maintenant en mesure de dire que
la religion semble ne pas être relative à la raison mais propre au sentiment
sur le plan du vécu personnel. Bien qu’il y ait la théologie, le croyant vit
d’abord sa relation avec son Dieu, et non au travers de discours rationnels. La
religion serait alors ici raisonnable, souhaitable, en cela qu’elle permet
l’unité d’une communauté. Cependant, pour cela, pour vivre une religion
raisonnable, acceptable, il faut se garder du fanatisme.
Citations sur la religion :
Citations sur la religion :
« La religion est une réaction défensive de
la nature contre la représentation, par l’intelligence, de l’inévitabilité de
la mort. »
Bergson (1859 – 1941), Les Deux Sources de
la morale et de la religion, 1932
« La religion serait la névrose
obsessionnelle universelle de l’humanité ; comme celle de l’enfant, elle
dérive du complexe d’Œdipe, des rapports de l’enfant au père. »
Freud, L’avenir d’une
illusion, 1927
« Un canonnier me demandait un jour ce que je pensais
des religions ; il était pieux ; et il voyait bien que je ne l’étais
guère. Je lui fis une réponse de premier élan, et qui me paraît encore
bonne : « La religion, lui
dis-je, est un conte, qui, comme tous les contes, est plein de sens. Et l’on ne
demande point si un conte est vrai. »
Alain



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