-
La politique échappe-t-elle à l’exigence de
vérité ?
Il semble naturel de considérer que
le politique soit soumis à l’exigence de vérité. Actuellement, le dogme de la
transparence dans la vie politique semble s’installer : il faut dire la
vérité aux citoyens, ne rien dissimuler. Certains pays du nord de l’Europe
obligent les membres du gouvernement à publier leur patrimoine par
exemple : tout doit être accessible au citoyen car il est également le
contribuable auquel le politique a des comptes à rendre. Celui qui s’occupe des
affaires de la Cité a également le devoir moral de dire la vérité, de ne pas
mentir à ses administrés : en effet, le moindre mensonge ruinerait la
relation de confiance qui s’établit petit à petit entre les citoyens représentés
et leurs représentants. On voit les ravages sur l’image du politique, tous
partis confondus, des affaires Cahuzac, Lavrilleux, ou encore Thévenoud. Dire
la vérité, ne rien dissimuler, c’est là le propre du bon politique qui veut
être digne de la fonction qu’il exerce au service du peuple.
Cependant,
il semble qu’il existe des cas dans lesquels la politique échappe au devoir de
vérité : en effet, si le politique doit instaurer la confiance, il doit,
avant toute chose, garantir la sécurité de chacun des citoyens. Or, parfois, il
convient de dissimuler une vérité pour le bien du peuple, pour éviter des
scènes de panique, de chaos qui seraient dangereuses. Ainsi, par exemple, il
convient, pour le politique, de ne pas tout dire, c’est-à-dire de garder secret
défense la réalité de la menace terroriste sur le territoire pour éviter toute
psychose. Le politique serait alors détaché de toute considération morale au
profit d’autres objectifs : l’ordre, la sécurité, condition du bon
fonctionnement (économique) de l’Etat, et de sa pérennité, de sa survie en tant
qu’Etat.
Ainsi,
la question est ici de savoir si le politique est soumis au devoir de
vérité, ne serait-ce que pour installer une relation de confiance avec le
peuple, ou bien si, au contraire, le
politique peut passer outre une telle exigence au profit de l’intérêt supérieur
de l’Etat, de son intégrité, et de son bon fonctionnement.
Afin
de répondre à cette question, il conviendra d’abord d’expliquer en quoi le politique est tenu à la vérité. Cependant, nous devrons étudier
l’a-moralité de la politique, le fait qu’elle soit au-delà de toute
considération morale au profit de l’efficacité du gouvernement. Enfin, il nous faudra alors questionner
cette obsession de l’efficacité chez le politique qui pourrait servir, à tort,
d’autres intérêts que ceux du peuple, notamment sur le plan économique.
I / Le
politique est tenu à la vérité :
Le politique
doit dire la vérité pour instaurer une relation de confiance avec le
peuple : c’est cette relation que ruinent les affaires.
Le véritable
politique se doit d’être exemplaire : il y a une dimension éducative à ce
qui est véritablement politique, c’est-à-dire soucieux des citoyens.
La transparence
est alors le nouveau dogme pour redorer le blason de la sphère politique.
Cela rejoint ici
la morale universelle prônée par Kant
dans Sur un prétendu droit de mentir par
humanité : l’exigence de vérité n’admet aucune exception selon Kant.
Il s’agit ici d’un devoir moral « catégorique », c’est-à-dire absolu.
Cela rejoint
également un droit fondamental de la démocratie : celui d’être informé.
Pour illustrer le fait que la liberté d’informer et d’être informé soit une
conquête, il est possible de faire référence au combat d’Elise Lucet, dans le
cadre de son émission Cash investigation,
qui combat contre une directive européenne institutionnalisant le secret des
affaires, notamment industrielles, en diffusant une pétition contre cette
directive sur le site Change.org. Exiger la vérité dans la sphère politique, et
dans la sphère économique, serait ici un acte véritablement politique,
c’est-à-dire en faveur de l’intérêt général.
II / Or, la politique est a-morale pour être
efficace.
Références :
John Stuart Mill :
Il faut parfois dissimuler une vérité pour faire preuve de tact.
Machiavel :
Le pouvoir politique doit passer outre la morale pour être efficace,
c’est-à-dire pour assurer l’ordre, le maintien d’un gouvernement fort.
« L’ordre politique c’est l’alchimie du mal. »
Machiavel, Le
Prince, 1513, Chapitre VII
Ainsi, il serait
permis de mentir, ou simplement de dissimuler la vérité, pour raison d’Etat.
Ici, l’ordre
social (et le maintien du pouvoir) sont les seuls objectifs du politique qui
gouverne : c’est là la conception hobbesienne
de la politique, dans le Léviathan
notamment.
Citations
possibles :
« Il est permis pour conserver le corps
politique d’enfreindre la loi pour gouverner. »
Saint-Thomas
d’Aquin, De regno
On peut même
utiliser la morale à des fins politiques :
« La clémence des princes n’est souvent qu’une
politique pour gagner l’affection des peuples. »
La Rochefoucauld, Maximes, 1664, 15
III / Cependant, la politique, en assurant l’ordre,
sert la sphère économique, et non le peuple.
Assurer la
sécurité des citoyens ne serait que le prétexte utilisé pour assurer les
conditions du bon fonctionnement de la sphère économique, du commerce :
dans le chaos, point de commerce, donc, point de bénéfice.
Or, la sphère
politique peut dissimuler la vérité, non au profit du peuple, mais au profit
des agents économiques les plus rentables. Exemple : la directive
européenne (cf. I / ) ne servira,
semble-t-il, qu’aux multinationales, et non aux PME.
Ainsi, la sphère
politique serait assujettie à la sphère économique, et ne serait pas la fidèle
représentation de l’intérêt général du peuple, situation qu’il conviendrait de
réformer.
pas fou
RépondreSupprimer