mercredi 17 juin 2015

BAC S 2015 : - La politique échappe-t-elle à l’exigence de vérité ?

-         La politique échappe-t-elle à l’exigence de vérité ?

            Il semble naturel de considérer que le politique soit soumis à l’exigence de vérité. Actuellement, le dogme de la transparence dans la vie politique semble s’installer : il faut dire la vérité aux citoyens, ne rien dissimuler. Certains pays du nord de l’Europe obligent les membres du gouvernement à publier leur patrimoine par exemple : tout doit être accessible au citoyen car il est également le contribuable auquel le politique a des comptes à rendre. Celui qui s’occupe des affaires de la Cité a également le devoir moral de dire la vérité, de ne pas mentir à ses administrés : en effet, le moindre mensonge ruinerait la relation de confiance qui s’établit petit à petit entre les citoyens représentés et leurs représentants. On voit les ravages sur l’image du politique, tous partis confondus, des affaires Cahuzac, Lavrilleux, ou encore Thévenoud. Dire la vérité, ne rien dissimuler, c’est là le propre du bon politique qui veut être digne de la fonction qu’il exerce au service du peuple.
Cependant, il semble qu’il existe des cas dans lesquels la politique échappe au devoir de vérité : en effet, si le politique doit instaurer la confiance, il doit, avant toute chose, garantir la sécurité de chacun des citoyens. Or, parfois, il convient de dissimuler une vérité pour le bien du peuple, pour éviter des scènes de panique, de chaos qui seraient dangereuses. Ainsi, par exemple, il convient, pour le politique, de ne pas tout dire, c’est-à-dire de garder secret défense la réalité de la menace terroriste sur le territoire pour éviter toute psychose. Le politique serait alors détaché de toute considération morale au profit d’autres objectifs : l’ordre, la sécurité, condition du bon fonctionnement (économique) de l’Etat, et de sa pérennité, de sa survie en tant qu’Etat.
            Ainsi, la question est ici de savoir si le politique est soumis au devoir de vérité, ne serait-ce que pour installer une relation de confiance avec le peuple, ou bien si, au contraire, le politique peut passer outre une telle exigence au profit de l’intérêt supérieur de l’Etat, de son intégrité, et de son bon fonctionnement.
            Afin de répondre à cette question, il conviendra d’abord d’expliquer en quoi le politique est tenu à la vérité. Cependant, nous devrons étudier l’a-moralité de la politique, le fait qu’elle soit au-delà de toute considération morale au profit de l’efficacité du gouvernement. Enfin, il nous faudra alors questionner cette obsession de l’efficacité chez le politique qui pourrait servir, à tort, d’autres intérêts que ceux du peuple, notamment sur le plan économique.


         I / Le politique est tenu à la vérité :

Le politique doit dire la vérité pour instaurer une relation de confiance avec le peuple : c’est cette relation que ruinent les affaires.

Le véritable politique se doit d’être exemplaire : il y a une dimension éducative à ce qui est véritablement politique, c’est-à-dire soucieux des citoyens.

La transparence est alors le nouveau dogme pour redorer le blason de la sphère politique.
Cela rejoint ici la morale universelle prônée par Kant dans Sur un prétendu droit de mentir par humanité : l’exigence de vérité n’admet aucune exception selon Kant. Il s’agit ici d’un devoir moral « catégorique », c’est-à-dire absolu.

Cela rejoint également un droit fondamental de la démocratie : celui d’être informé. Pour illustrer le fait que la liberté d’informer et d’être informé soit une conquête, il est possible de faire référence au combat d’Elise Lucet, dans le cadre de son émission Cash investigation, qui combat contre une directive européenne institutionnalisant le secret des affaires, notamment industrielles, en diffusant une pétition contre cette directive sur le site Change.org. Exiger la vérité dans la sphère politique, et dans la sphère économique, serait ici un acte véritablement politique, c’est-à-dire en faveur de l’intérêt général.


II / Or, la politique est a-morale pour être efficace.

Références :

John Stuart Mill : Il faut parfois dissimuler une vérité pour faire preuve de tact.

Machiavel : Le pouvoir politique doit passer outre la morale pour être efficace, c’est-à-dire pour assurer l’ordre, le maintien d’un gouvernement fort.

« L’ordre politique c’est l’alchimie du mal. »
Machiavel, Le Prince, 1513, Chapitre VII

Ainsi, il serait permis de mentir, ou simplement de dissimuler la vérité, pour raison d’Etat.
Ici, l’ordre social (et le maintien du pouvoir) sont les seuls objectifs du politique qui gouverne : c’est là la conception hobbesienne de la politique, dans le Léviathan notamment.

Citations possibles :

« Il est permis pour conserver le corps politique d’enfreindre la loi pour gouverner. »
Saint-Thomas d’Aquin, De regno


On peut même utiliser la morale à des fins politiques :

« La clémence des princes n’est souvent qu’une politique pour gagner l’affection des peuples. »
La Rochefoucauld, Maximes, 1664, 15


III / Cependant, la politique, en assurant l’ordre, sert la sphère économique, et non le peuple.

Assurer la sécurité des citoyens ne serait que le prétexte utilisé pour assurer les conditions du bon fonctionnement de la sphère économique, du commerce : dans le chaos, point de commerce, donc, point de bénéfice.
Or, la sphère politique peut dissimuler la vérité, non au profit du peuple, mais au profit des agents économiques les plus rentables. Exemple : la directive européenne (cf. I / ) ne servira, semble-t-il, qu’aux multinationales, et non aux PME.
Ainsi, la sphère politique serait assujettie à la sphère économique, et ne serait pas la fidèle représentation de l’intérêt général du peuple, situation qu’il conviendrait de réformer.



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