Résumé : Du
vivant.
La
première question qui se pose lorsque l'on cherche à étudier
l'être vivant est naturellement : de quel être vivant parle-t-on ?
Nous intéressons-nous aux animaux, aux hommes seulement, ou aux
plantes ?
Cette
distinction de l'être vivant en trois catégories (végétale,
animale,
humaine)
est une première tentative de classification des êtres vivants,
tentative que l'on peut attribuer à Aristote.
En effet, selon ce dernier, les trois catégories du vivant se
traduisent, dans l'observation des faits, par trois types d'âme. Par
« âme », il ne faut pas ici entendre l'âme immatérielle
pensée par Descartes
qui serait proche de l'âme pensée par les religions. En ce sens
spirituel, les animaux et les plantes n'ont pas d'âme : Descartes
n'est pas animiste. Cependant, il y a bien une âme propre aux
plantes, une propre aux animaux, et une propre aux hommes : le
végétal possède une âme
végétative
; les animaux une âme
motrice
; et les hommes une âme
raisonnable.
Par « âme », il faut ici entendre ce que signifie le
grec anima,
c'est-à-dire ce qui anime, le principe du mouvement au sein du
vivant.
Cette
conception de l'âme comme étant ce qui anime, comme souffle de vie,
est également présente dans la Bible :
« Dieu modela
l’homme dans la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une
haleine de vie et l’homme devint un être vivant. »
Genèse,
2, 7
Chez
Aristote
:
- l'âme végétative est ce qui permet la croissance des plantes par la nutrition.
- l'âme motrice et sensitive des animaux comprend l'âme végétative des plantes en y ajoutant la capacité à se mouvoir par soi-même ainsi que la sensation (âme végétative + mouvement spontané et sensation)
- l'âme humaine comprend l'âme motrice et sensitive des animaux (qui, elle, comprend l'âme végétative des plantes) en y ajoutant le logos, c'est-à-dire la parole qui peut être produite par la raison (âme motrice + logos).
Cependant,
historiquement, c'est la conception cartésienne de l'âme, et, par
conséquent, du vivant, qui a été retenue. Descartes
pense une distinction radicale entre la substance immatérielle (âme
strictement humaine proche de l'âme pensée par les religions) et la
substance matérielle, corporelle.
Pour
Descartes, le corps n'est qu'une portion d'étendue, c'est-à-dire
d'espace, portion alors mesurable, quantifiable (contrairement à
l'âme qui relève de l'immatérialité : l'âme est non-étendue,
non-spatiale, donc, non-mesurable, inquantifiable). La substance
matérielle, corporelle, mesurable, quantifiable, noie les catégories
du vivant dans l'étendue, dans l'espace. En effet, d'un point de vue
physique, on peut étudier le végétal, l'animal, et le corps humain
sous le même aspect : celui du corps étendu mesurable. De la même
manière, on peut étudier les corps inertes (minéraux), ou les
corps des machines animés par les hommes uniquement du point de vue
physique, uniquement sous leur aspect étendu, comme on le fait pour
le reste des corps (végétaux, animaux, et humains). De même, on
peut étudier les corps morts de la même façon que nous le faisons
pour les corps vivants, quels qu'ils soient. Ainsi, en étudiant les
corps, les substances matérielles, uniquement sous leur aspect
étendu, le cartésianisme, ou, tout du moins, la physique
cartésienne, fait perdre la spécificité du corps vivant, les corps
vivants étant étudiés de la même manière que les corps morts.
Selon la physique cartésienne qui n'analyse que l'étendue occupée
par les corps, rien ne distingue le corps vivant du corps mort.
Le
fait que le corps machinal puisse être étudié de la même manière
que le corps organique relève de ce qu'on appelle le mécanisme
cartésien.
En
de nombreux endroits du corpus cartésien (qui, ici, comprend
également les penseurs cartésiens successeurs de Descartes), le
corps organique est comparé à une machine :
« Quand
l’horloge indique l’heure, c’est la même manière que le
pommier qui donne des pommes. »
Descartes,
Principes
de la philosophie,
1664
« Lorsque
les hirondelles viennent au printemps, elles agissent en cela comme
des horloges. »
Ibid.,
Lettre au Marquis de Newcastle, 1646
« jugeons que
le corps d'un homme vivant diffère autant de
celui d'un homme mort que fait une montre, ou autre
automate (c'est-à-dire autre machine qui se meut de soi-même),
lorsqu'elle est montée et qu'elle a en soi le principe corporel des
mouvements pour lesquels elle est instituée avec tout ce qui est
requis pour son action, et la même montre, ou autre machine,
lorsqu'elle est rompue et que le principe de son mouvement cesse
d'agir. »
Ibid.,
Traité
des passions,
Article 6 : « Quelle différence il y a entre
un corps vivant et un corps mort. »
Cependant,
ce qu'on peut reprocher au cartésianisme, à la physique
cartésienne, c'est qu'en étudiant les corps, qu'ils soient
organiques ou mécaniques, en mouvement ou inertes, vivants ou morts,
uniquement sous leur aspect étendu, l'homme perd ce qui faisait la
spécificité du vivant qu'avait au moins le mérite de penser
Aristote.
Pourtant,
si nous nous attachons à chercher ce qui est spécifique au vivant,
nous pouvons noter que c'est la capacité
d'adaptation qui
le caractérise. En effet, c'est cette capacité qui explique la «
sélection naturelle » par espèces pensée par Darwin [1809 - 1882
; Angleterre]. Ici, l'espèce qui survivra est celle qui saura
s'adapter le mieux à ses conditions d'existence. C'est cette
adaptation qui explique l'évolution des espèces, c'est-à-dire
notre origine du point de vue scientifique. L'adaptation des espèces
peut prendre des formes directement visibles par l'observateur. Si
l'on prend l'exemple de la girafe, il apparaît que cette espèce
s'est adaptée pour aller chercher sa nourriture (indispensable à sa
survie) en hauteur, ce qui explique que, dans l'évolution des
espèces, son cou s'est allongé.
Ainsi,
l'adaptation permet l'évolution, la transformation. Ici, les espèces
qui ne s'adaptent pas (par manque de temps ?) disparaissent.
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