Analyse des termes du sujet :
Besoin = Nécessité, Inéluctable
(opposé à contingent)
Si le fait d’être gouvernés est un
besoin, cela dépend alors de la nature humaine.
Opinion commune :
Gouvernement = Sécurité, contre la « loi »
de nature, l’état de nature
Donc : Gouvernement = état
civil
Critique de l’opinion commune :
Le fait d’être gouvernés n’est pas
une réponse à un besoin, mais à un projet collectif, à une volonté d’un groupe
humain.
Problématique :
Ainsi,
la question est ici de savoir si le fait d’être encadré par une entité
institutionnelle étatique est une nécessité ou bien si cela dépend d’une décision consciente qui pourrait ne
pas être, c’est-à-dire que les hommes pourraient vivre correctement sans
nécessairement instaurer un gouvernement, un Etat.
I / De la
nécessité de gouverner les hommes :
-
L’état de
nature selon Hobbes [1588 - 1679 ; Royaume-Uni] :
« Le Droit de nature, que les auteurs appellent généralement jus
naturale, est la liberté qu’a chacun
d’user comme il le veut de son pouvoir propre, pour la préservation de sa
propre nature. »
Hobbes, Léviathan,
1651
L’autre est alors toujours
potentiellement un danger pour moi : c’est la « guerre de chacun
contre chacun » dans laquelle « l’homme est un loup pour l’homme ».
-
L’établissement
du souverain selon Hobbes :
Le souverain
doit unifier le peuple : Hobbes utilise justement la figure du Léviathan,
monstre marin légendaire. Ici, la tête représente le souverain, et le corps
écaillé les individus qui ont contracté avec lui et qui se sont alors placés
sous sa coupe. Le Léviathan, en unifiant le peuple, doit interdire toute
dissension interne qui favoriserait une révolte et, donc, l’insécurité.
Gravure de Gustave Doré (1832 - 1883) de 1865 :
Gravure de Gustave Doré (1832 - 1883) de 1865 :
Transition :
Ainsi
se pose la question de la légitimité du gouvernement établi. Certes, le
souverain hobbesien dispose du pouvoir absolu pour assurer la sécurité de son
peuple. Or, n’est-ce pas son impunité qui plonge le peuple dans
l’insécurité ? Il est vrai que la force naturelle ne peut faire le droit
légitime, mais l’usage autorisé de la force par les gouvernants doit pouvoir
être contrôlé et révisé s’il n’est plus légitime. Ainsi, quels sont les
critères de légitimité du gouvernement ? Qui doit gouverner ?
Comment ? Et, en vue de quoi ?
II
/ Les critères de légitimité du gouvernement :
Rousseau propose alors l’institution d’un autre Gouvernement
qui n’est pas dirigiste mais exécutif.
En effet, selon Rousseau, le
contrat hobbesien n’est qu’un contrat de soumission des individus à la personne
du souverain.
Or, la soumission est
inenvisageable pour Rousseau car, selon lui, la liberté est inaliénable.
Ainsi, passer de la liberté
naturelle à la liberté civile n’implique pas l’instauration d’un despote,
fût-il éclairé, mais demande un contrat d’association de la part de l’ensemble
des individus. Ici, chacun contracte avec tout le monde : il s’agit d’un
contrat horizontal, et non d’une multiplicité de contrats verticaux entre
chaque individu et son souverain. Ainsi, en s’unissant à tous, il ne s’agit pas
ici d’une aliénation de sa liberté à un supérieur : c’est la constitution
du peuple Souverain dans lequel chaque partie est une composante de la
totalité. Ainsi, lorsque la partie est attaquée, c’est la totalité qui est
attaquée.
Dans la conception rousseauiste, le
Gouvernement n’est qu’un appendice de l’Etat, c’est-à-dire du pouvoir exécutif,
qui est le garant de l’application des lois décidées par le Souverain qui n’est
autre que le peuple lui-même. Cette optique rousseauiste est républicaine. Le
Gouvernement est alors contrôlé, étant donné qu’il n’est qu’un ensemble de ministres,
c’est-à-dire de serviteurs.
Ministre :
Du latin minister qui signifie
« serviteur ». Membre du Gouvernement d’un Etat à la tête d’un
département ministériel. Le Premier Ministre est le chef du Gouvernement.
Transition :
Le
fait que les hommes soient gouvernés ne dérive de la nature humaine que pour
ceux qui ont une conception pessimiste de celle-ci. Or, le gouvernement,
c’est-à-dire le fait politique, peut être vu comme étant le résultat d’une
volonté consciente des individus, des peuples, ayant un projet collectif de
civilisation.
III
/ Vers une inutilité du Gouvernement :
Si l'on pense l'état dans lequel la
totalité des règles d'un Etat seraient intériorisées, alors le Gouvernement ne
serait plus nécessaire. Les hommes se gouverneraient eux-mêmes : ils
n’auraient pas besoin d’un Gouvernement paternaliste les sermonnant d’en-haut.
C’est en
partie ce que l’on peut retrouver dans l’utopie communiste pensée par Marx qui
aboutit à une dissolution de l’Etat.
En effet,
l’Etat, selon Marx et Engels [1820 –
1895], n’est qu’un outil de répression destiné à conforter la classe
bourgeoise dominante en sa position.
La
révolution prolétarienne mettra alors à terre cette construction sociale qu’est
l’Etat pour la remplacer par une autre façon de vivre ensemble basée sur la
solidarité.
D’autres
penseurs anarchistes, tels que Proudhon
[1809 – 1865] ou Fourier [1772 –
1837], ont également pensé la possibilité d’une dissolution de
l’Etat : c’est là la revendication de l’anarchisme.
Anarchisme : Doctrine politique
qui préconise la suppression de l’Etat et de toute contrainte sociale sur
l’individu. L’anarchisme se développa en Europe dans la seconde moitié du
XIXème siècle. Proudhon en fut le premier inspirateur et le russe Bakounine [1814 Russie – 1876] l’un des principaux théoriciens.
Anarchie : Absence de
commandement.
Conclusion :
Ainsi,
on peut répondre à la question en disant que le gouvernement semble bien
être une nécessité pour les hommes, bien que celui-ci doive être contrôlé.
Certaines utopies peuvent se laisser aller à rêver à une absence de tout
gouvernement, mais nous sommes là dans l’ordre de la fiction. Les lendemains
qui chantent ne semblent être qu’un horizon que visent les hommes, mais qu’ils
n’atteindront jamais.
Citations sur la politique :
« L’Etat
est une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé,
revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence
physique légitime. »
Max Weber (1864 – 1920)
« L’Etat doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la
nourriture, un vêtement convenable, et un genre de vie qui ne soit point
contraire à sa santé. »
Montesquieu (1689 –
1755), De l’esprit des Lois, 1748, XXIII, XXIX
« L’Etat ne poursuit jamais
qu’un but : limiter, enchaîner, assujettir l’individu, le subordonner à
une généralité quelconque. »
Max Stirner (1806 – 1856)
« On tire difficilement un
homme de lui-même pour l’intéresser à la destinée de tout l’Etat, parce qu’il
comprend mal l’influence que la destinée de l’Etat peut exercer sur son
sort. »
Tocqueville (1805 – 1859), De la démocratie en Amérique
« La politique […] doit avoir
pour objet immédiat et unique la destruction des Etats. »
Bakounine,
Lettre, 5 octobre 1872
« Il n’y a rien, absolument
rien dans l’Etat, du haut de la hiérarchie jusqu’en bas, qui ne soit abus à
réformer, parasitisme à supprimer, instrument de tyrannie à détruire. »
Proudhon, L’idée générale de la Révolution, 1851
« L’Etat, c’est le plus
froid de tous les monstres froids : il ment froidement et voici le
mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l’Etat, je suis le
Peuple ! » »
Nietzsche




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