dimanche 7 juin 2015

Les hommes ont-ils besoin d'être gouvernés ?



Analyse des termes du sujet :

Besoin = Nécessité, Inéluctable (opposé à contingent)

Si le fait d’être gouvernés est un besoin, cela dépend alors de la nature humaine.


Opinion commune :

Gouvernement = Sécurité, contre la « loi » de nature, l’état de nature

Donc : Gouvernement = état civil


Critique de l’opinion commune :

Le fait d’être gouvernés n’est pas une réponse à un besoin, mais à un projet collectif, à une volonté d’un groupe humain.


Problématique :

            Ainsi, la question est ici de savoir si le fait d’être encadré par une entité institutionnelle étatique est une nécessité ou bien si cela dépend d’une décision consciente qui pourrait ne pas être, c’est-à-dire que les hommes pourraient vivre correctement sans nécessairement instaurer un gouvernement, un Etat.


I / De la nécessité de gouverner les hommes :

-          L’état de nature selon Hobbes [1588 - 1679 ; Royaume-Uni] :


« Le Droit de nature, que les auteurs appellent généralement jus naturale, est la liberté qu’a chacun d’user comme il le veut de son pouvoir propre, pour la préservation de sa propre nature. »
Hobbes, Léviathan, 1651

L’autre est alors toujours potentiellement un danger pour moi : c’est la « guerre de chacun contre chacun » dans laquelle « l’homme est un loup pour l’homme ».


-          L’établissement du souverain selon Hobbes :

Le souverain doit unifier le peuple : Hobbes utilise justement la figure du Léviathan, monstre marin légendaire. Ici, la tête représente le souverain, et le corps écaillé les individus qui ont contracté avec lui et qui se sont alors placés sous sa coupe. Le Léviathan, en unifiant le peuple, doit interdire toute dissension interne qui favoriserait une révolte et, donc, l’insécurité. 

Gravure de Gustave Doré (1832 - 1883) de 1865 :

Transition :

            Ainsi se pose la question de la légitimité du gouvernement établi. Certes, le souverain hobbesien dispose du pouvoir absolu pour assurer la sécurité de son peuple. Or, n’est-ce pas son impunité qui plonge le peuple dans l’insécurité ? Il est vrai que la force naturelle ne peut faire le droit légitime, mais l’usage autorisé de la force par les gouvernants doit pouvoir être contrôlé et révisé s’il n’est plus légitime. Ainsi, quels sont les critères de légitimité du gouvernement ? Qui doit gouverner ? Comment ? Et, en vue de quoi ?


II / Les critères de légitimité du gouvernement :

            Rousseau propose alors l’institution d’un autre Gouvernement qui n’est pas dirigiste mais exécutif.
En effet, selon Rousseau, le contrat hobbesien n’est qu’un contrat de soumission des individus à la personne du souverain. 



Or, la soumission est inenvisageable pour Rousseau car, selon lui, la liberté est inaliénable.

Ainsi, passer de la liberté naturelle à la liberté civile n’implique pas l’instauration d’un despote, fût-il éclairé, mais demande un contrat d’association de la part de l’ensemble des individus. Ici, chacun contracte avec tout le monde : il s’agit d’un contrat horizontal, et non d’une multiplicité de contrats verticaux entre chaque individu et son souverain. Ainsi, en s’unissant à tous, il ne s’agit pas ici d’une aliénation de sa liberté à un supérieur : c’est la constitution du peuple Souverain dans lequel chaque partie est une composante de la totalité. Ainsi, lorsque la partie est attaquée, c’est la totalité qui est attaquée.
Dans la conception rousseauiste, le Gouvernement n’est qu’un appendice de l’Etat, c’est-à-dire du pouvoir exécutif, qui est le garant de l’application des lois décidées par le Souverain qui n’est autre que le peuple lui-même. Cette optique rousseauiste est républicaine. Le Gouvernement est alors contrôlé, étant donné qu’il n’est qu’un ensemble de ministres, c’est-à-dire de serviteurs. 
Ministre : Du latin minister qui signifie « serviteur ». Membre du Gouvernement d’un Etat à la tête d’un département ministériel. Le Premier Ministre est le chef du Gouvernement.


Transition :

            Le fait que les hommes soient gouvernés ne dérive de la nature humaine que pour ceux qui ont une conception pessimiste de celle-ci. Or, le gouvernement, c’est-à-dire le fait politique, peut être vu comme étant le résultat d’une volonté consciente des individus, des peuples, ayant un projet collectif de civilisation.


III / Vers une inutilité du Gouvernement :

            Si l'on pense l'état dans lequel la totalité des règles d'un Etat seraient intériorisées, alors le Gouvernement ne serait plus nécessaire. Les hommes se gouverneraient eux-mêmes : ils n’auraient pas besoin d’un Gouvernement paternaliste les sermonnant d’en-haut.
C’est en partie ce que l’on peut retrouver dans l’utopie communiste pensée par Marx qui aboutit à une dissolution de l’Etat.
En effet, l’Etat, selon Marx et Engels [1820 – 1895], n’est qu’un outil de répression destiné à conforter la classe bourgeoise dominante en sa position.
La révolution prolétarienne mettra alors à terre cette construction sociale qu’est l’Etat pour la remplacer par une autre façon de vivre ensemble basée sur la solidarité.
D’autres penseurs anarchistes, tels que Proudhon [1809 – 1865] ou Fourier [1772 – 1837], ont également pensé la possibilité d’une dissolution de l’Etat : c’est là la revendication de l’anarchisme

Anarchisme : Doctrine politique qui préconise la suppression de l’Etat et de toute contrainte sociale sur l’individu. L’anarchisme se développa en Europe dans la seconde moitié du XIXème siècle. Proudhon en fut le premier inspirateur et le russe Bakounine [1814 Russie – 1876] l’un des principaux théoriciens.

Anarchie : Absence de commandement. 

Conclusion :

            Ainsi, on peut répondre à la question en disant que le gouvernement semble bien être une nécessité pour les hommes, bien que celui-ci doive être contrôlé. Certaines utopies peuvent se laisser aller à rêver à une absence de tout gouvernement, mais nous sommes là dans l’ordre de la fiction. Les lendemains qui chantent ne semblent être qu’un horizon que visent les hommes, mais qu’ils n’atteindront jamais.


Citations sur la politique :



« L’Etat est une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. »
Max Weber (1864 – 1920)

« L’Etat doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable, et un genre de vie qui ne soit point contraire à sa santé. »
Montesquieu (1689 – 1755), De l’esprit des Lois, 1748, XXIII, XXIX


« L’Etat ne poursuit jamais qu’un but : limiter, enchaîner, assujettir l’individu, le subordonner à une généralité quelconque. »

Max Stirner (1806 – 1856)

« On tire difficilement un homme de lui-même pour l’intéresser à la destinée de tout l’Etat, parce qu’il comprend mal l’influence que la destinée de l’Etat peut exercer sur son sort. »
Tocqueville (1805 – 1859), De la démocratie en Amérique

« La politique […] doit avoir pour objet immédiat et unique la destruction des Etats. »
Bakounine, Lettre, 5 octobre 1872

« Il n’y a rien, absolument rien dans l’Etat, du haut de la hiérarchie jusqu’en bas, qui ne soit abus à réformer, parasitisme à supprimer, instrument de tyrannie à détruire. »
Proudhon, L’idée générale de la Révolution, 1851

« L’Etat, c’est le plus froid de tous les monstres froids : il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l’Etat, je suis le Peuple ! » »
Nietzsche


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire